Alors que les projets d’intelligence artificielle prennent une place croissante dans les systèmes d’information des entreprises, une interrogation stratégique s’impose : dans quelle mesure ces infrastructures restent-elles maîtrisables ? Nombre d’organisations se retrouvent enfermées dans des environnements propriétaires, avec une dépendance forte à l’égard de fournisseurs uniques. Ce phénomène, connu sous le nom de vendor lock-in, limite l’agilité, renchérit les coûts et compromet la souveraineté IT. Face à ce constat, la mise en place d’une stratégie fondée sur l’indépendance technologique et des architectures open stack IA devient un levier décisif pour reprendre le contrôle.
Vendor lock-in : un risque sous-estimé
Dans un contexte d’industrialisation rapide de l’IA, de nombreuses entreprises ont opté pour des plateformes « clés en main », souvent hébergées dans le cloud, qui proposent une offre complète allant de la gestion des données à l’entraînement et au déploiement des modèles. Si cette approche réduit la complexité initiale, elle génère à terme une forte dépendance : choix technologiques imposés, impossibilité d’extraire les modèles ou les données, coûts croissants en cas de changement de fournisseur.
Ce verrouillage technologique freine la capacité d’évolution des entreprises et pose des questions majeures de souveraineté. Lorsqu’il devient difficile de migrer un modèle, de répliquer un pipeline ou d’exploiter les données dans un autre environnement, c’est l’agilité opérationnelle et la maîtrise des processus qui en pâtissent.
L’indépendance technologique comme objectif stratégique
Reprendre la main sur ses infrastructures IA nécessite de penser l’indépendance technologique dès la phase de conception. Cela ne signifie pas nécessairement se passer de tout fournisseur, mais choisir des solutions ouvertes, modulaires et interopérables, permettant de garder la main sur les briques critiques du système : données, modèles, orchestrateurs, outils de supervision.
L’indépendance se construit aussi dans la gouvernance : elle suppose de documenter les choix techniques, d’assurer la portabilité des composants, et de garantir la capacité à migrer d’un environnement à un autre en cas de besoin (on-premise, cloud hybride, edge, etc.). Elle implique enfin de veiller à la réversibilité des engagements contractuels avec les éditeurs ou prestataires d’IA.
Les open stack IA : socle technique de la souveraineté IT
Dans cette perspective, le recours à des open stack IA — c’est-à-dire à des ensembles de logiciels libres et standardisés dédiés aux usages IA — représente une alternative stratégique. Ces stacks, souvent fondées sur des composants tels que TensorFlow, PyTorch, MLflow, Kubeflow ou encore ONNX, permettent de construire une infrastructure IA flexible, auditable et extensible.
L’intérêt majeur de ces architectures réside dans leur capacité à éviter l’enfermement propriétaire : les modèles peuvent être transférés, les workflows ajustés, les mises à jour contrôlées. De nombreuses organisations publiques et privées en Europe font aujourd’hui le choix de l’open source pour asseoir leur souveraineté IT tout en garantissant la conformité aux réglementations locales.
Conclusion : sortir du verrou pour mieux innover
La sortie du vendor lock-in ne relève pas d’un rejet idéologique du cloud ou des offres commerciales, mais d’un choix raisonné pour préserver l’avenir technologique de l’organisation. En s’appuyant sur des open stack IA, en structurant leurs environnements autour de principes d’ouverture, et en affirmant leur indépendance technologique, les entreprises peuvent reprendre le contrôle sur leurs outils, leurs données et leurs innovations. Dans un monde où l’IA structure de plus en plus les processus critiques, cette maîtrise n’est plus une option, mais une condition de pérennité.